La firme américaine Boston Dynamics, propriété de Google, a publié des vidéos de son nouveau robot.
Vous pouvez le voir en action en consultant cet article du journal The Guardian.
C’est un robot capable de se dresser sur ses « pattes arrière », qui sont en fait des roues, et ainsi de se déplacer à une vitesse folle, y compris en sautant des obstacles ou en dévalant des escaliers.
Il est capable, telle une créature surhumaine, de soulever des charges, de les transporter et, on peut le supposer, les jeter à une grande distance.
Il peut poursuivre quelqu’un dans un bâtiment, dans la rue, mais aussi dans les bois, et l’écrabouiller de ses bras mécaniques.
Ce robot a encore l’air d’une machine bizarre. Mais ce n’est qu’une question d’années, ou de mois, avant que les ingénieurs ne parviennent à lui donner une forme humaine.
Maintenant que ce robot existe et qu’il est capable de ces prouesses, ce n’est qu’une formalité que de l’équiper d’une puissante mitrailleuse et de le programmer pour tirer sur tout ce qui bouge.
Il aura tous les avantages sur les soldats. Il sera plus puissant, plus rapide. Il visera plus précisément. Il n’aura pas besoin de se reposer. Il ne sera jamais ni effrayé ni démoralisé.
Il pourra être blindé et ainsi résister aux tirs, aux radiations.
Surtout, il obéira toujours à son maître, jamais il n’aura d’objection de conscience.
Il ressemblera alors en tout point à Terminator, le robot cauchemardesque du film de James Cameron sorti en 1984. Ce film de science-fiction traitait de la menace pour l’être humain que feraient naître des robots créés par une super-intelligence.
Nous ne sommes qu’en 2017. Le cauchemar de Terminator est-il sur le point de devenir une réalité ?
De tels robots pourront être produits à la chaîne dans des usines. Ensuite, il suffira de les envoyer par groupes de 1 000, 10 000 ou 100 000 à l’assaut de n’importe quelle cible militaire ou civile. Ce ne sera qu’une question de budget.
Bien entendu, comme pour toutes les armes, « conventionnelles » ou non, les grandes puissances ne laisseront pas les autres s’équiper d’armées de tels robots tueurs sans réagir.
Des robots antirobots verront le jour, exactement comme on a créé les « missiles antimissiles », et ainsi de suite.
Mais il n’empêche que nous, citoyens isolés, désarmés et pacifiques, nous ne pourrons que nous sentir comme de la menue monnaie, dérisoire, inutile, au milieu de cet affrontement de géants.
Notre sort sera encore plus entre les mains de nos gouvernants.
Déjà, actuellement, nous nous apercevons que le système électoral ne nous protège pas contre l’accession au pouvoir de personnes fantasques, peu fiables. Nous leur confions pourtant des responsabilités immenses. Que nous réserve l’avenir ?
Plusieurs grands patrons américains annoncent que ces histoires de robot et d’intelligence artificielle constituent la pire menace qui ait jamais pesé sur l’humanité. Selon Elon Musk, le patron de la firme de voitures électriques Tesla, le danger est « pire que la bombe atomique [1] ».
Beaucoup s’inquiètent aussi des conséquences économiques et sociales de la robotisation. Les robots seront bientôt capables de faire pratiquement tous les métiers des êtres humains. Moshe Vardi, directeur de l’Institut des technologies de l’Information à l’université Rice au Texas, prévoit un taux de chômage de plus de 50 % au niveau mondial d’ici une trentaine d’années [2].
Fouillez sur Internet, vous verrez d’incroyables vidéos de véhicules sans conducteur, de robots serveurs dans les restaurants, de robots cuisiniers, sans parler de tous les robots industriels qui rendent les ouvriers « obsolètes ».
« Obsolètes » est la grande expression à la mode. L’être humain serait, selon certains, « désavantagé par sa biologie », qui ne peut évoluer qu’à toute petite vitesse, par rapport à des robots dont les progrès suivent ceux, exponentiels, de l’informatique.
Bientôt, la plupart des êtres humains seront devenus inutiles. Ils seront même gênants. Ils gêneront les robots, qui n’auront plus besoin d’eux pour continuer l’aventure commencée par l’humanité sur la Terre !
Mais en ce qui me concerne, je ne crois pas une seconde à ces anticipations pessimistes. Elles sont, pour moi, tout juste bonnes à stimuler les adolescents en manque de sensations fortes.
D’abord, sur le sujet de la guerre : on aime se faire peur avec les menaces d’apocalypse.
Mais l’art militaire depuis des millénaires met les populations civiles à la merci des armées agressives ! Les nouveaux moyens techniques n’y changent rien.
Savez-vous que Jules César, lorsqu’il conquit la Gaule il y a vingt siècles, commandait à ses légions de tuer absolument tout le monde, femmes, enfants et vieillards compris. Il explique cela fièrement dans la Guerre des Gaules : il rayait des peuples entiers de la carte. Ce n’est que par volonté, par stratégie politique, notamment pour disposer de bras pour exploiter le territoire concerné, qu’il faisait alliance avec certains peuples à qui il laissait la vie sauve.
Les Ottomans ont fait la même chose dans leur empire jusqu’au début du XXe siècle.
Dès que des troubles éclataient quelque part, le sultan envoyait ses troupes d’élite, les janissaires, et ceux-ci massacraient non seulement les révoltés, mais également toutes les personnes des environs. C’était le nettoyage par le vide. Il repeuplait ensuite la région avec des populations venues d’ailleurs.
À plus forte raison, les grandes puissances disposent, depuis le XIXe siècle, de tous les moyens techniques pour exterminer, jusqu’au dernier, les peuples. Si l’armée américaine décidait d’envahir n’importe quel pays et de tuer absolument tous ses habitants jusqu’au dernier, cela pourrait être fait en quelques jours ou semaines, sans utiliser ni armes nucléaires, ni armes chimiques ou bactériologiques, ni… robots.
Les robots ne changent rien.
Quant aux emplois, c’est aussi une illusion que de croire que les robots vont nous rendre inutiles.
C’est le contraire : plus nous pouvons faire faire de tâches par des robots qui nous aident, plus nous devenons efficaces. Si nous n’avons plus besoin de conduire dans les embouteillages grâce à un pilote automatique, faire le service à table ou la vaisselle parce qu’un robot le fait à notre place, cela nous permettra de nous concentrer directement sur les tâches les plus importantes et les plus valorisées, qui sont en général celles où nous nous occupons directement des autres, pour le travail ou pour le plaisir.
On nous dit que les êtres humains seront bientôt inutiles. Mais on manque de bras partout !
On manque de bras dans les hôpitaux, c’est évident. On manque de bras dans l’agriculture bio. On manque de bras dans les parcs et jardins, de plus en plus mal entretenus depuis que les herbicides et pesticides sont interdits. On manque de bras pour s’occuper des petits enfants. On manque de bras pour s’occuper des jeunes. On manque de bras pour s’occuper des personnes âgées, surtout celles qui ont l’Alzheimer et dont on nous annonce qu’elles seront bientôt des millions !
On manque de bras dans le bâtiment. On manque de bras dans l’hôtellerie. On manque de bras dans l’artisanat. On manque de bras pour effacer les graffitis sur nos murs, nettoyer nos villes de plus en plus sales.
Demandez à n’importe quel chef d’entreprise, il vous expliquera que son premier problème, c’est la difficulté qu’il a à recruter du personnel compétent.
Car le vrai problème avec les robots, c’est de nous rendre la vie trop facile et donc de nous rendre… paresseux, manquant de volonté, de la capacité de nous lever le matin, de faire sérieusement notre travail et, même, j’ose le dire, d’accomplir nos devoirs fondamentaux.
C’est là le danger le plus grand du progrès technique, de la modernité.
Voltaire le disait il y a deux siècles : « Le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin. »
On remarquera que le « besoin » ne vient qu’en troisième position.
C’est choquant, car, pour la plupart d’entre nous, nous travaillons pour vivre. C’est une nécessité pour joindre les deux bouts. Mais en même temps, c’est une constatation que nous pouvons faire constamment dans notre vie et autour de nous, que notre plus gros problème, surtout aujourd’hui en 2017, n’est pas la faim, la soif, ni le froid.
Notre problème, c’est de faire face aux difficultés émotionnelles, relationnelles, affectives de notre vie.
Les adolescents ou les jeunes « qui vont mal » dans notre société ne manquent pas de nourriture. Ils manquent d’attention, d’affection, d’adultes responsables capables de leur inculquer une bonne éducation et des règles de vie.
Nos besoins physiques fondamentaux sont satisfaits, souvent trop satisfaits même. Les robots vont nous aider à les satisfaire encore plus. Mais c’est notre relation aux autres, avec notre environnement, ou même avec nous-mêmes, qui ne va pas toujours.
Ce ne sont pas les robots qui vont résoudre cela. Ce n’est pas l’intelligence artificielle non plus, car ces questions n’ont rien à voir avec le QI (quotient intellectuel).
En fait, c’est tout simple : l’humanité va continuer à être confrontée aux mêmes problèmes que ceux qu’elle affronte depuis la nuit des temps. La question de l’amour, de la mort, de la foi et du doute, de l’espoir et du désespoir.
Je suis désolé pour nos sympathiques ingénieurs et entrepreneurs millionnaires de la Silicon Valley qui croyaient que tout ça était terminé.
Mais je peux le leur garantir : non, il n’y a rien de changé ! Mais je les encourage vivement à continuer à faire ces extraordinaires robots, c’est vraiment spectaculaire à regarder et cela va certainement beaucoup nous aider dans les années qui viennent ! Chouette, bientôt plus de vaisselle (quoique, chaque fois que je finis par m’y mettre, je sois ravi d’avoir les mains dans l’eau chaude et de pouvoir en profiter pour rire avec mes enfants).
À votre santé !
Jean-Marc Dupuis
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Oui, merci à Jean-Marc (voir plus bas) pour cette réponse, si pertinente, à laquelle j’adhère également. Mais j’ajoute que c’est la première fois que je lis une si intelligente (et questionnante) analyse de Jean-Marc Dupuis et je dois lui dire bravo de soulever, si bien, cette question sur les “bienfaits” de ces technologies que nous avons inventées (et auxquelles j’ai aussi participé en tant que chercheur du CNRS): Oui, finalement, nous avons tous participé à l’invention de toutes ces technologies qui peuvent soit libérer l’être humain, soit l’asservir, ou même l’anéantir (Hiroshima), et c’est vrai que le monde hyper-capitaliste qui… Lire la suite »
Bonjour, votre article sur les robots est certes intéressant mais optimiste quant aux choses qui se passent depuis fort longtemps. Ce qu’on nomme génocide n’est pas autre chose que la suppression systématique de tout ce qui gêne en matière d’humanité, et il se trouve qu’historiquement, les Blancs judéo-chrétiens, mis à part leur différents internes, considèrent qu’une partie de l’humanité est moindre chose, à jeter quand elle encombre, et s’y consacre depuis longtemps. Le Guatemala de la 2° moitié du XX° siècle ne est un bon exemple. On y a tué systématiquement tous les indigènes, ceux qui en ont réchappé se… Lire la suite »
Très bel article… la conclusion est très optimiste… est ce que cela suffira pour résister ?
Tout à fait d”accord avec le texte de JM Dupuis. mais chaque génération doit gravir des échelons pour atteindre sa maturité. Chaque génération trouve horrible la précédente et pense devoir refaire le monde. les enfants nés entre 1960 et 68 ont senti que leurs parents changeaient et modifiaient aussi leur monde d’enfants. Ils ont à leur tour créé une génération à laquelle ils ont appliqué les “lois” qu’ils ont connues. Et ce fut le désastre pour les grands parents et même les parents. : trop de facilités, trop peu de direction, le refus des “punitions” et le refus de s’opposer… Lire la suite »
Bravo pour votre texte sur les robots et leur influence future sur notre vie. Vos conclusions sont tout à fait pertinentes.
C’est étonnant que vous terminiez votre lettre par un encouragement à produire des machines à tuer. Parce que, comme vous le dites dans votre description, ces constructions effrayantes ont des forces surhumaines et peuvent traquer, “neutraliser”, broyer l’humain. La première réflexion à avoir n’est donc pas relative au travail qu’elles vont nous “voler”, mais au rapport de force qu’elles vont instaurer. Entre les mains des fous assoiffés de pouvoir qui nous gouvernent, elles ne feront que boucler sur nous cette horrible société de surveillance et nous n’aurons plus qu’à vivre comme des fantômes. Nous sommes déjà très affaiblis par une… Lire la suite »