Manger du piment ! Nouvelle mode audacieuse sur Internet

05/04/2014
Manger du piment ! Nouvelle mode audacieuse sur Internet
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Parmi les centaines de modes « débiles » lancées sur Internet, je me suis récemment intéressé à ces gens qui se filment en train de manger les piments les plus forts du monde.

C’est incroyable.

Figurez-vous qu’il existe une société aux Etats-Unis (en Caroline du Nord) qui travaille à créer des piments toujours plus forts, toujours plus immangeables pour une personne normale.

Ce sont des piments encore cent fois plus forts que les plus violents des piments traditionnels, piments oiseau et autre pili-pili qui vous arrachent la bouche.

Ils sont issus de croisements et de sélection de semences. Et l’entreprise qui fait ça, The Pucker Butt Pepper Company, a créé en 2013 une nouvelle sorte de piment baptisée Carolina Reaper, encore beaucoup plus forte que tout ce qui existait auparavant.

« Reaper » veut dire « faucheur » ou « faucheuse » en français, et il y a derrière un jeu de mot avec le nom de « faucheuse » qui est donné à la mort.

Ce piment peut-il vous tuer ? Je n’en sais rien. La capsaïcine, qui est le produit « qui pique » dans le piment, n’est mortelle qu’à très haute dose. Les seuls cas de décès répertoriés concernent des infanticides en Inde.

Toujours est-il que les plus audacieux qui avalent du piment exprès pour se faire mal sont surpris par la violence du Carolina Reaper, qui est un instrument de torture. Vous pouvez voir les vidéos gratuites sur Youtube en référence en bas de cet article [1]. De gros costauds, qui ont manifestement tout essayé, se mettent à transpirer, pleurer et pratiquement vomir devant leur caméra.

La question est : pourquoi font-ils ça ?

Une pratique répandue

Oui, pourquoi font-ils ça, et surtout, pourquoi y a-t-il tant de peuples qui mettent d’énormes quantités de piment dans leur cuisine, du Pakistan à l’Indonésie, du Mexique à l’Argentine, et maintenant en fait dans le monde entier ?

Le piment contient de la capsaïcine, un irritant qui protège les plantes contre les prédateurs.

À part l’homme, aucun animal n’aime le piment.

Toutes les espèces préfèrent éviter le piment et les aliments pimentés, si elles ont le choix. Les chercheurs ont tout essayé pour « apprendre » à des animaux à aimer le piment, partant du principe que c’était une question de culture, d’éducation, d’habitude… En réalité, les expériences sur les rats, singes, cochons, ont montré qu’aucune espèce n’aime cette sensation de se faire emporter la bouche, même lorsqu’elles ont reçu une alimentation pimentée depuis la naissance.

Alors, qu’est-ce qui plait tant à l’homme dans le piment ?

La douleur qui fait plaisir

Selon le Dr Paul Rozin, professeur de psychologie à l’université de Pennsylvanie, la « douleur » provoquée par le piment est fortement mêlée à une sensation de plaisir, qui se prolonge par un doux sentiment d’euphorie une fois que la brûlure est passée.

Une étude sur des scanners du cerveau menée en 2011 par Siri Leknes, neuroscientifique à l’université d’Oxford, a montré que les zones qui gèrent la douleur et le plaisir dans le cerveau humain sont étroitement entremêlées. Elles sont toutes les deux liées à des nerfs dans le tronc cérébral et aux neurones dopaminergiques, qui procurent les sensations de « récompense » et gèrent la motivation. La douleur provoque la libération d’endorphines, sollicitant les centres « hédoniques » du cerveau [2].

« Les hommes peuvent ainsi en arriver à aimer la peur et l’excitation provoquées par les montagnes russes, la chute libre, les films d’horreur », explique Paul Rozin dans la revue spécialisée Motivation and Emotion, tout comme pleurer en voyant des films tristes ou sauter dans l’eau glacée.

Manger du piment provoque aussi une sensation de souffrance, sans pour autant courir de risque réel. Cela génère donc une libération massive d’endorphines, très appréciée par le cerveau.

Le piment est-il mauvais pour la santé ?

C’est surprenant mais le piment, aussi fort soit-il, n’est en fait pas mauvais pour la santé.

Bien qu’il attaque les cellules épithéliales (qui recouvrent les muqueuses de la bouche, de l’intestin, de l’estomac), cela n’a pas d’effet secondaire grave sauf dans le cadre de certaines maladies comme la maladie de Crohn ou le psoriasis. Dans ces cas-là, les aliments de la famille des solanacées, à laquelle appartient le piment, peuvent rendre malade.

Pour les autres, les cellules épithéliales se régénèrent très vite : elles sont intégralement renouvelées tous les deux ou trois jours quoiqu’il arrive.

Le piment n’est même pas spécialement interdit en cas d’ulcère et pourrait protéger la paroi de l’estomac.

Toutefois, il ne faut pas être stupide : respectez votre tolérance personnelle. Ne vous infligez aucune douleur inutile. Dans tous les cas, évitez le piment si vous souffrez d’une maladie digestive comme le syndrome du côlon irritable ou le reflux gastro-œsophagien.

À noter que le piment est très riche en vitamine C, en vitamine B9, en provitamine A et en potassium. Il fait transpirer, stimule la circulation sanguine. Enfin, manger très épicé réduit naturellement la quantité de nourriture que vous avalez, de 200 calories en moyenne par repas, ce qui est un moyen de manger moins pour les personnes qui cherchent à maigrir.

Mon expérience avec le piment

La capsaïcine issue du piment est très utilisée par la police contre les manifestants en tout genre.

Elle sert à la fabrication du gaz lacrymogène, aussi appelé « gaz au poivre ».

Je m’en suis pris un jour un gros jet droit dans la figure, de façon parfaitement déloyale.

Je m’en souviens comme si c’était hier. Lors d’une manifestation pacifique pour la protection de la nature, je me suis retrouvé à proximité d’un rang de CRS surarmés, tandis que nous défilions en tenue de printemps. Soudain, un bras surgit entre les boucliers en plexiglas, portant comme une énorme bombe d’insecticide, me visant au visage. J’ai alors vu un nuage de fumée blanche sortir de la bombe, droit vers mes yeux. C’était fou : je me suis instantanément retrouvé plié en deux, à suffoquer, je croyais avoir les yeux brûlés.

Je n’ai pas pu me retenir de me frotter les yeux, aggravant ma situation car on parle de « gaz » lacrymogène mais cela ressemble plus à un gel collant, et je n’ai fait que l’étaler sur mon visage.

Or, les CRS en ont profité à ce moment pour charger. J’étais aveuglé, à genou, sans aucun moyen de m’échapper. Le bruit de leurs bottes s’est rapproché de moi à toute allure. Un CRS, particulièrement idiot sans doute, s’est mis à me frapper de sa matraque en caoutchouc pour me faire partir alors qu’il voyait bien que j’avais le visage tuméfié par le gaz lacrymogène et que j’étais momentanément paralysé.

Des manifestants couraient partout autour de moi.

Au milieu des cris, ma seule « solution » fut de me mettre accroupi pour éviter une bousculade qui m’aurait renversé et peut-être blessé. Mes yeux pleuraient des rivières de larmes et, chaque fois que j’essayais de les entre-ouvrir, la brûlure se faisait plus intense. Mes lèvres et narines étaient en feu également et je ne savais pas quoi faire pour arrêter ça. J’ai alors essayé de m’essuyer les yeux avec mon écharpe. Grave erreur, elle était elle aussi pleine de capsaïcine…

Un inconnu, bon samaritain, eut pitié, me glissa dans la main du collyre (larmes artificielles) que je m’empressai de déverser dans mes yeux, sans grand effet car la capsaïcine n’est pas hydro mais liposoluble (elle se dissout dans les corps gras, pas dans l’eau). C’est pourquoi, si vous mangez trop de piment, rien ne sert de boire de l’eau, il faut boire un liquide gras, comme du lait si possible entier ou manger quelque chose de huileux.

Il me fallut une bonne vingtaine de minutes pour me remettre. Mais je confirme : une fois la douleur passée, je ressentis une grande euphorie, ou du moins une énorme excitation. Je ne sais pas si c’était dû aux endorphines. Mais la brutalité injuste qui s’était abattue sur moi m’avait remonté à bloc pour… continuer le combat !

À votre santé !

Jean-Marc Dupuis

 

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